Parole(s) de Roms

Vous avez entendu parler des Roms.  Mais avez-vous entendu des Roms parler ? Le magazine Parole de Roms, lui, leur donne la parole. Tous les deux mois, une livraison de deux vidéos sont postées sur la page internet. Des interviews de Roms et des reportages de rencontres franco-roms et d'initiatives. En mai 2016, 17 numéros sont déjà parus sur le site parolederoms.fr .

 

 

 

 

Les Roms : « un énorme problème »

A Lille, un lundi de juin 2015, un petit garçon, David, âgé de 4 ans, décédait dans l’incendie d’un baraquement, boulevard Pasteur. Des cendres fumantes, une petite assemblée, des élus, des techniciens et des secours, et la silhouette d’un homme debout, au milieu de cette agitation. C’est Bertrand Verfaillie, à l'origine de Parole de Roms. « Pourquoi 20 000 Roms deviennent un énorme problème dans un pays de 66 millions de personnes ? » se demande-t-il. « C'est qu'ils occupent malgré eux la place idéale du bouc-émissaire (*) . Ils sont coincés entre les errements politiques, une haine de l’opinion publique et un casse-tête juridique ».

 

Parole de Roms, c’est à la caméra : Dimitri Debaisieux, de Vidélio productions. A l’initiative et au micro : Bertrand Verfaillie, membre du Collectif Solidarité Roms de Lille Métropole et journaliste. Numéro après numéro, ce magazine tend le micro et la caméra aux Roms. Son objectif : faciliter, voire préparer, la rencontre entre les Français et les Roms, créer la relation par ce média, contribuer à faire tomber les préjugés qui séparent les populations. Comment ? Avec une simplicité, sans démonstration. Par des témoignages, des reportages. Par des paroles de Roms. Tout simplement. 

 

Le fossé entre la population française et les Roms est cadenassé. La présence des baraques roms à Lille contraste avec l’image somptuaire de la ville moderne et connectée, comme une étrangeté figée au sol au milieu de cette foule en mouvement constant. Les Roms souffrent de la misère, du froid, de la précarité des camps, la menace d’évacuation. Et souffrent de préjugés tenaces qu’ils traînent comme une malédiction. L'opinion dit : ce sont des migrants, ils sont de passage. Mais « leurs caravanes n’ont pas de roue ! », indique Bertrand. Les Roms sont sédentaires. Ils vivent en France, et veulent vivre ici, dans des maisons.

 

Ces étranges voisins

Parole de roms traverse cette étrange frontière qui sépare ceux qui vivent dans ces camps de fortune, « chez eux » et aussi « chez nous », à la fois lointains et proches. Le tournage et le montage mettent à l’aise les interviewés. Regarder le magazine, c’est comme inviter des Roms chez soi. Ce ne sont plus des silhouettes du dehors, c’est Nicoleta, Virgil, Marcela et Secret, et bien d’autres, qui parlent comme des voisins.

 

Dans Parole de Roms, pas de morale. Des Roms parlent. Des hommes, des femmes, des enfants incarnent cette parole. Le magazine donne à entendre leur langue, sous-titre cette parole précieuse, car elle est rare. Ils disent leur histoire, leurs conditions de vie, leur arrivée en France et les échanges avec les Français, leurs espoirs. Titillés par le journaliste ou de leur propre chef, ils s’expriment à propos de l’actualité : l’arrivée du Ministère de l’Intérieur Manuel Valls à la tête du gouvernement, les assassinats de janvier 2015 à Paris, etc.

 

Ils parlent aussi des sujets délicats. Le journaliste : "Que pensez-vous des femmes qui mendient en tenant un enfant dans les bras ou dans le froid ? Des Français estiment que c’est pour les apitoyer".  Réponse : « Mais elles n’ont pas le choix. ». Les Roms sont-ils des voleurs ? « Il n’y a pas plus de voleurs chez les Roms qu’il y en a chez les Français ». 

 

Des problèmes au tournage et au montage

Interviewer les Roms n’est pas facile. Les contraintes au tournage tiennent à leurs conditions de vie ou de survie. Les Roms ont bien d’autres urgences, certains se désistent par crainte, sont absents au rendez-vous par la destruction des campements qui leur laisse peu de répit : « Ils sont littéralement pourchassés ». 

 

Et le journaliste se pose des questions déontologiques : « Quelle est la validité de leur parole recueillie en interview ? ». Disent-ils réellement ce qu’ils pensent ? Leurs propos représentent-ils la culture rom ? Qu’est-ce qui les motive à répondre aux questions ? Les Roms participent à ces interviews dans l’espoir que ces vidéos résoudront leurs problèmes.

 

Cette parole libérée pose question. Le public est-il prêt à l'entendre ? Voulant exprimer sa reconnaissance d’être en France, un Rom avait envie d'inviter tous ses amis Roms à venir vivre ici. Au montage, l’équipe hésite : faut-il garder ce propos ? Au risque de donner crédit à une prétendue arrivée massive de Roms. Que des sites xénophobes s’en emparent. L'équipe décide de prendre ce risque.

 

Le site, les reportages, la diffusion fonctionnent à l'énergie bénévole. L'équipe a bénéficié de quelques subsides de la Région et de la Fondation Abbé Pierre. Bertrand aimerait en faire plus. Prendre plus de temps pour voir les vidéos avec les Roms, organiser des projections plus fréquentes. 

 

Le Collectif Solidarité Roms

Si le propos du magazine n’est pas revendicatif, c’est que les Roms ne le sont pas. Et ce n’est pas sa vocation, bien ancrée dans l’action globale du Collectif Solidarité Roms. Composé de citoyens et d’associations, le Collectif articule son action en trois axes. Il tente d’améliorer les conditions de vie et de santé des habitants de culture rom, faciliter la scolarité des enfants et les parcours d’insertion des adultes. La destruction de camps par les forces de l’ordre donne à ces actions la fragilité d’un château de cartes.

 

Le collectif interpelle les pouvoirs publics par le biais de communiqués ou de manifestations. Mais  « nous avons usé toutes les voies possibles et imaginables dans ce domaine. Nous vivons une certaine désillusion quant à l’efficacité ». Sans renoncer ni se taire.

 

Promouvoir la culture rom, le Collectif y tient. « Les Roms ne sortiront pas de leur réserve tant que les Français ne manifesteront pas l’envie de les connaître », prévient Bertrand. Le collectif a organisé un festival franco-rom, intitulé Rrom 3000 et organise autant que possible des rencontres culturelles. C’est dans ce prolongement que se situe Paroles de Roms. « Nous avons réussi une diffusion suivie d’une discussion à la MRES récemment. Une soirée réussie des échanges entre Roms et Français. »

 

 

http://www.parolederoms.fr

 

 

 

 

 

* Le bouc-émissaire, c’est la bête que l’on charge de tous les maux de la cité et que l’on chasse à la périphérie de la ville.